lundi 22 septembre 2008

Polar din ch'nord


Lille-Québec aller simple
de Lucienne Cluytens
(Ed. Ravet-Anceau)

Le capitaine Flahaut de la PJ de Lille enquête sur le meurtre du docteur Lantin, pédiatre et chef de clinique de Saint-Amand-les-Eaux. Au cours des différents interrogatoires, les proches de la victime la définisse comme transparente et sans ennemi connu ; on pense à un crime de voyous en quête d'argent. Mais le capitaine Flahaut n'y croit pas car un fait l'intrigue : pourquoi a-t-on brûlé les yeux de la victime à l'aide d'un sabre chauffé à blanc ?
A mesure que l'enquête avance, le capitaine Flahaut sent que la clef de l'énigme se trouve au Québec, en Gaspésie, où le docteur Lantin se rendait quelques jours chaque année. Mais une fois sur place, il découvrira qu'une inconnue l'a devancé et a elle-même enquêté sur les mystérieuses activités du médecin.

Du même auteur, j'avais déjà lu Les Peupliers noirs, un polar qui m'avait bien plu. Là encore, on est heureux de retrouver l'intérêt de l'auteur pour les gens simples, victimes d'injustices. Des personnages que l'on pourrait croiser dans les rues de Lille. Il semble aussi que Lucienne Cluytens ait beaucoup de tendresse pour ses personnages car elle sait les rendre très attachants. La relation d'amitié de Marc Flahaut et Esther m'a particulièrement touchée.
L'intrigue se dessine sur fond d'erreur médicale et de pédophilie. De mon point de vue, ce récit tend à désacraliser le monde médical et montre que les gens de peu sont parfois bien démunis face à une erreur médicale. Le thème de la pédophilie est abordé avec tact ; l'auteur en dit peu et c'est bien assez pour comprendre.
C'est donc un livre qui se déroule principalement dans le Nord-Pas-de-Calais, avec des ch'tis pour protagonistes. Cependant, une partie de l'histoire se déroule au Québec, en Gaspésie plus exactement. La nature sauvage et la chaleur des Québécois sont mis en avant. On aimerait tous avoir Sylvie pour amie. La situation des Micmacs, peuple amérindien, est également évoquée.
J'aime bien l'univers de Madame Cluytens et je guette la sortie de son prochain livre.

lundi 15 septembre 2008

Un pigeon, une vie.

Le Pigeon, de Patrick SÜSKIND.

Jonathan Noël est un ermite dans la ville. Non pas un homme qui se retire par philosophie ou pour prier, mais par peur. Jonathan Noël est un homme écorché par la vie, qui pour se rassurer mène une vie réglée comme du papier à musique et se réfugie dans une chambre de bonne d'à peine 7 m². Son cocon. Cette chambre est son seul projet, son seul rêve. Chaque matin, c'est pour elle qu'il part travailler, pour qu'elle lui appartienne. Mais un jour, ce cocon est menacé par un pigeon. Ce qui déclenche chez Jonathan une véritable crise existentielle.

Patrick Süskind fait un portrait hilarant d'un homme en pleine détresse psychique. Le comportement de Jonathan est en effet si excessif qu'il en devient clownesque. On rit beaucoup et c'est très bien. Mais ce qui est intéressant, c'est que l'on rit tout en ressentant une profonde sympathie pour Jonathan. L'image répétée de Jonathan avec "sa valise, son manteau et son parapluie" semble, au premier abord, le ridiculiser car ces objets nous rappellent son délire face au pigeon. Mais elle montre surtout un homme seul, abandonné, qui n'a plu que "sa valise, son manteau et son parapluie", qui n'a plus en fait que cette détresse qui submerge son esprit et paralyse son corps. Mais pourquoi Jonathan a-t-il une réaction aussi excessive face à ce pigeon ? Il semble qu'à travers sa chambre, c'est sa vie que cet oiseau menace, ce pigeon dont le "plumage lisse était d'un gris de plomb". La même couleur que celle des uniformes de ceux qui ont emmenés ses parents en juillet 1942 ?
Ce n'est donc pas l'histoire d'un simple excentrique qui n'aurait ni queue ni tête. Cette histoire raconte le chemin sinueux qu'un homme va devoir emprunter pour se défaire d'un traumatisme qui l'enchaîne depuis l'enfance. Pour ma part, je considère ce livre comme porteur d'espoir car il semble nous dire que nous ne sommes pas condamnés par nos traumatismes mais qu'il est nécessaire de les regarder en face pour commencer de s'en libérer.

"Envers le clochard - lorsqu'il le rencontrait ou qu'il l'apercevait assis quelque part -, il n'éprouvait plus dorénavant que ce sentiment qu'on désigne généralement par le terme de tolérance : un mélange fort tiède de dégoût, de mépris et de pitié. Cet être ne lui causait plus d'émotion. Cet être lui était indifférent."